« Amiante », le mot qui fait peur à tout le monde. À juste titre : aucun organisme vivant n’est protégé contre une fibre 200 fois plus fine qu’un cheveu ! Une fois inspirée, l’amiante peut déclencher sournoisement un cancer après un délai de vingt ans ! Autrement dit, la règle la plus simple consiste à ne pas y toucher. Comme elle n’est pas biodégradable, on ne doit pas la jeter dans la nature. Et comme elle n’est pas incinérable non plus, seules des déchetteries spécialisées peuvent la traiter.
Le tableau dressé est clairement effrayant, et pousse à ne rien faire du tout face à l’amiante. Ce qui n’est guère mieux, puisqu’au bout d’un certain nombre d’années les parties amiantées finissent par se dégrader, et l’amiante peut se disperser.
La réaction de la SNCF
Afin de se protéger contre toute suite juridique, la SNCF a opté pour une solution simple : elle ne vend pas de matériel roulant, qui est de toutes façons suspecté d’être amianté depuis les années 1930. La question est donc réglée. Ou alors elle procède à un désamiantage par une société tierce. Coût de la facture : désamiantage ± 10.000 € + frais administratifs 2.000 €.
Les milieux associatifs ferroviaires
Les associations ferroviaires ont calqué leurs réactions sur celle de la SNCF. Elle n’y sont nullement tenues. Elles ont seulement à se conformer à la loi sur l’amiante qui dit, en son article 1, que « la cession » de matériel amianté est interdite. Donc elle ne peuvent officiellement pas vendre de matériel connu pour contenir de l’amiante. Mais comment savoir s’il y en a ? Elles ne sont pas tenues d’effectuer un « diagnostic amiante », ni un « Repérage Avant Travaux » puisque ceux-ci ne sont exigés que pour la vente d’un bien immobilier, et non pour la vente d’un véhicule.
C’est là que la situation devient étrange, en particulier lorsqu’un véhicule ferroviaire (contenant forcément de l’amiante) est utilisé légalement pour le transport de passagers : pendant son exploitation il n’est pas considéré comme dangereux (sinon aucun train de voyageurs ne pourrait plus rouler dans le monde !). Mais le jour où la vente de ce véhicule est envisagée, il devient subitement dangereux car concerné du jour au lendemain (!) par la loi sur l’amiante. On voit bien que la logique la plus élémentaire n’y trouve pas son compte.
Les propriétaires privés
C’est ici que l’on arrive à quelques situations intéressantes :
- un propriétaire est libre de désamianter par lui-même son bien. La preuve avec le document « Bricolage dans votre logement : attention à l’amiante », PDF du Ministère de la Santé et de l’Environnement, sur le site du Ministère, mars 2016, toujours en ligne en 2024).
- un véhicule privé est un « bien privé », il peut donc être désamianté par son propriétaire, personne physique ou morale (association).
- il est entendu que si le propriétaire du bien peut le désamianter par lui-même, pour autant les préconisations du PDF mentionné ci-dessus deviennent pour lui une obligation légale s’il fait intervenir un tiers : si cette personne ne porte pas les équipements de protection préconisés par le document, le propriétaire pourrait être rendu coupable de mise en danger d’autrui.
Hypothèse du recours au « diagnostic amiante »
Ici il ne faut pas confondre avec le « Repérage Avant Travaux » (RAT) : comme son nom l’indique, ce repérage n’est nécessaire que s’il y a des travaux, c’est-à-dire si on risque de toucher à l’amiante et/ou de l’exposer à l’air libre. Inversement, dès lors qu’on est certain de ne pas toucher aux parties amiantés enchâssées dans des parois, ce repérage n’est pas exigé. Par exemple : en cas de travaux de ponçage et peinture sans démontage préalable (mais en cas de sablage, en revanche, le jet ne doit pas être dirigé vers des interstices ouverts vers l’intérieur de cloisons, plancher ou toitures).
Tout acheteur ou vendeur de bien immobilier sait qu’une transaction exige un « diagnostic amiante ». Si de l’amiante est identifiée dans le bâtiment, le diagnostic a pour objectif d’informer l’acheteur de la localisation de l’amiante (s’il y en a), mais la transaction n’est en aucun cas empêchée par la présence d’amiante.
Or la loi sur l’amiante interdit « la cession » de biens amiantés. Peut-on trouver ici une contradiction réglementaire ? La réponse n’est pas simple. Toujours est-il que rien n’empêche un propriétaire privé de faire réaliser un « diagnostic amiante » sur un bien mobilier, donc un véhicule ferroviaire : ce sera facile et rapide. Dès lors, l’acquéreur étant en possession du diagnostic, il semble bien que la transaction puisse se faire de la même manière qu’elle est possible avec un bien immobilier ayant fait l’objet dudit diagnostic.
Enfin, il reste une question corollaire un peu plus épineuse : la personne privée cédant le bien est-elle obligatoirement une personne physique, ou bien peut-elle être une personne morale ? La réponse pourrait bien être positive, et dans ce cas une association, en tant que personne morale privée (activités interdites aux non-membres), pourrait bénéficier de la même liberté qu’un particulier.
Mais dans ce cas il reste une réserve extrêmement importante : de la même manière qu’un particulier pourrait être juridiquement responsable du risque encouru par un tiers qui interviendrait, l’association, en tant que personne morale, porterait la même responsabilité, et c’est donc son Président qui subirait les conséquences si des bénévoles de l’association n’était pas protégés selon les directives du Ministère de la Santé (PDF mentionné plus haut).
Conclusion
On sait que les cessions de matériel amiantés sont possibles. Différents musées abritant des collections de moyens de transport sont dépositaires de ces matériels depuis des dizaines d’années, et le public y afflue. Aucun d’eux n’a été fermé. Tous les trains, qu’ils soient de la SNCF ou appartenant aux Régions, ainsi que les trains touristiques, transportent des passagers dans du matériel amianté. On comprend qu’une loi soit nécessaire afin d’éviter tout risque et toute responsabilité juridique des législateurs. Mais on comprend aussi que lorsque le risque est nul, l’application de la loi est sans objet.
Le principe de fond qui évitera toute difficulté se compose de trois points :
- dans la mesure du possible il faut être en possession d’un plan du matériel concerné permettant de localiser les éléments contenant de l’amiante (sol, cloisons, toit). On pourra réaliser un repérage d’amiante d’autant plus facilement et rapidement. La localisation est documentée et doit être consultable par toute personne en charge de l’entretien du véhicule. Ces parties amiantées ne doivent jamais être laissées à l’air libre.
- le PDF du Ministère de la Santé préconise de mouiller l’amiante avec de l’eau avant de la manipuler le cas échéant. En cas de doute sur un matériau apparent, une solution efficace consiste à pulvériser (à basse pression, donc avec un pulvérisateur à main) une première couche de peinture glycérophtalique très diluée (fluidité permettant l’imprégnation), puis après séchage de surface, à appliquer une couche de peinture sans dilution particulière, puis une seconde, voire une troisième, jusqu’à obtenir une couche globale de protection épaisse et lissée en surface.
- à défaut de repérage ou de plan, en cas de doute sur les matériaux de la caisse, du plancher et du toit, on n’effectue aucun perçage ni sciage.
Ces trois points étant respectés, si le matériau est hors d’atteinte de tout choc ou frottement, le danger est alors nul.